jeudi 29 décembre 2016

C'est la fête !

Les choeurs de l'Armée rouge, l'ensemble Alexandrov, et l'excellente maison Tupolev s'associent au Moine Bleu pour souhaiter à ses lecteurs, lectrices et abonnées, de joyeuses fêtes de fin d'année.
Et surtout la santé !

mercredi 28 décembre 2016

J'ten foutrais, moi, de la structure !



« La structure est fille du pouvoir présent. Le structuralisme est la pensée garantie par l’État, qui pense les conditions présentes de la "communication" spectaculaire comme un absolu. Sa façon d’étudier le code des messages en lui-même n’est que le produit, et la reconnaissance, d’une société où la communication existe sous forme d’une cascade de signaux hiérarchiques. De sorte que ce n’est pas le structuralisme qui sert à prouver la validité transhistorique de la société du spectacle ; c’est au contraire la société du spectacle s’imposant comme réalité massive qui sert à prouver le rêve froid du structuralisme. » 

(Guy Debord, La société du spectacle)

                                        

lundi 26 décembre 2016

La critique unanime !

                   
  

«Un cadeau original, plein de fraîcheur, qui ravira les petits et les grands !»
(François Fillon, L'équipe, 20/12/2016)

« Une manière agréable de renouer avec les heures les plus funky de notre histoire.»
(Eric Zemmour, Marie-Claire, 6/02/2014)

« Francis Kuntz une fois de plus au top ! »
(Michel Onfray, Pour en finir avec Freud et Kant en deux semaines, Grasset, 2015)

« J'adore ! »
(Manuel Valls, Vivement Dimanche, 30/12/2015)

L'essayer, c'est l'adopter.

dimanche 25 décembre 2016

Happy Birthday, Jésus !

Ensor, L'homme de douleur (1891)

« Jésus, et bien avant lui les prophètes, ont exprimé des critiques à l'égard de Dieu, et dans l'Ancien Testament, il arrive même que Dieu soit critique envers lui-même. On trouve, par exemple, dans les lamentations de Jérémie : "Seigneur, tu es notre ennemi !" - quelle parole monstrueuse dans l'Ancien Testament ! Il y a aussi un passage où Yahvé fait son autocritique, où Dieu regrette d'avoir créé le monde et voudrait créer un autre monde, de sorte qu'on ne pensât plus au monde antérieur qui n'était pas bon. "Et Dieu voyait que tout était bon", peut-on lire dans le premier chapitre de l'Ancien Testament, dans la Genèse. Le monde n'est pas bon, car Dieu voit bien qu'on ne doit plus penser au monde antérieur et, à la fin de l'Apocalypse, de la Révélation de Saint Jean, il est écrit : "Et la lune et le soleil s'enfuirent et tout fut détruit." Il restait la Jérusalem céleste et l'enfer, mais, à la fin, il ne reste plus que la seule Jérusalem céleste. Le monde, l'univers cosmologique, tels que nous le regardons, n'était donc pas bon et le bouc émissaire qu'est le serpent ne peut à lui seul suffire à expliquer ce qui est insuffisant et mauvais dans le monde. Celui qui a créé le monde, qui nous a fait entrer dans ce monde, ne peut plus nous en faire sortir. Il appartient lui-même au monde et sa fin sur la croix ne le prive en rien de son existence terrestre, mais affaiblit par contre sérieusement la possibilité qu'il aurait d'être adoré. Tout cela se trouve déjà dans la Bible. Jésus ne s'appelle pas "fils de Dieu" (seuls ses disciples l'appellent comme ça). Il emploie par contre plus de cinquante fois une expression assez énigmatique qui n'est pas utilisée par ses disciples : "Fils de l'Homme", terme qui est si étrange, dans la traduction grecque du Nouveau Testament (anos anthropon), que les Grecs ne l'ont pas compris. En araméen, on lit "Bar Adam", donc : "Fils d'Adam" et non pas "Fils de Dieu" ou "Dieu-fils". Et Jésus dit ensuite : "Quiconque me voit, voit le père".
Il s'agit ici d'éléments qui ne figurent pas dans le plan de la création et qui n'ont rien à voir avec les autres religions. Le prophète usurpe la place du père et le destitue, en affirmant : "Moi, je suis Lui".
Ce sont des éléments athées, des éléments de la rédemption privés de sens s'il n'existe pas quelque chose dont l'on veut être rédimé. Mais cela ne peut être que le monde existant. Et celui qui a prétendument créé le monde existant ne peut pas être en même temps son rédempteur. C'est ainsi que Jésus Christ est apparu comme fils de l'Homme.
Ce sont très clairement des éléments athées. Le Livre de Job peut également être envisagé dans ce contexte, lui qui est plein d'accusations et où l'homme, avec toutes ses misères, ses tumeurs, ses souffrances, sa maladie et son souci, toujours accuse et lève le poing - un poing communiste ! Ce n'est qu'avec beaucoup de réticence que Luther a intégré le Livre de Job dans l'Ancien et le Nouveau testament. Il a toujours été considéré comme extrêmement dangereux et les tentatives pour falsifier a posteriori ce texte révolutionnaire par des extrapolations ont été nombreuses. »


(Ernst Bloch, entretien avec José Marchand, 1974)

Marseille, à jamais...

   

J'encule Dieu (entre autres fâcheux)

vendredi 23 décembre 2016

jeudi 22 décembre 2016

mardi 20 décembre 2016

Conjoncture

Bourses européennes bien orientées
(Source : Météo-France)

« Il y a ainsi une curieuse corrélation entre causalité et hasard : plus la causalité, la pensée causale et mécanique devient hégémonique dans le monde, plus la catégorie de hasard se développe, comme une sorte de rappel de ce qu'on a perdu en signification et en cohérence interne avec la prédominance de la causalité. Il y a assurément aussi des raisons sociales à cela : jusqu'à aujourd'hui, malgré l'augmentation de la rationalité des moyens de l'organisation sociale, ses fins sont restées irrationnelles et contingentes. Cette relation marque de son empreinte la corrélation de la causalité et du hasard qui convergent depuis peu d'une façon remarquable, depuis que, dans la microphysique et la mécanique quantique, la loi de probabilité, qui est profondément liée au hasard, a commencé à supplanter le problème de la causalité. » 

(T. W. Adorno, Métaphysique)

dimanche 18 décembre 2016

Wonderful western land

samedi 17 décembre 2016

Responsables et constructifs

Votez Mélenchon !


jeudi 15 décembre 2016

C'est exactement ça (il nous faudrait de l'essence)


« Finalement, il ne peut y avoir aucun doute sur le fait qu'une des caractéristiques de la "réalité" est qu'elle manque d'essence. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas d'essence, mais que simplement elle en manque.» 

(Woody Allen, My philosophy, in  Getting even, 1966)

mardi 13 décembre 2016

On a déjà donné !


dimanche 11 décembre 2016

Guide de survie en milieu différancialiste (3) Différance contre Dialectique



                                                                            Pour H.-S.

Quand on lui demande son avis sur l'École dite de Francfort, sur la Théorie critique allemande et son influence éventuelle sur ses propres travaux, Foucault se montre ambivalent. D'un côté, il clame sa grande admiration pour les travaux d'Adorno, Horkheimer, etc : «si j'avais lu ces oeuvres, confie-t-il à Trombadori, fin 1978, il y a un tas de choses que je n'aurais pas eu besoin de dire, et j'aurais évité des erreurs [souligné par nous : avec ressentiment, d'accord, si tu veux]. Peut-être, poursuit Foucault, que si j'avais connu les philosophes de cette école quand j'étais jeune, j'aurais été tellement séduit par eux que je n'aurais rien fait d'autre que les commenter» (in Dits et écrits, IV, Gallimard, p. 74). Critique de la raison occidentale, de ses modalités, techniques, effets de pouvoir, etc : voilà ce qui, à l'en croire, aurait retenu son attention chez les francfortois. L'idée est à peu près la même dans une interview accordée pour la revue Telos au malheureux (et très estimable) Gérard Raulet, spécialiste de Marcuse et Bloch, au printemps 1983 : «il est certain, y raconte Foucault, que si j'avais pu connaître l'école de Francfort, si je l'avais connue à temps, bien du travail m'aurait été épargné, il y a bien des bêtises que je n'aurais pas dites [souligné par nous : on est mesquin avec notre morale d'esclave, et ça fait du bien, si tu savais] et beaucoup de détours que je n'aurais pas faits en essayant de suivre mon petit bonhomme de chemin alors que des voies avaient été ouvertes par l'école de Francfort. Il y a là un problème curieux de non-pénétration (sic) entre deux formes de pensée qui étaient très proches, et peut-être est-ce cette proximité même qui explique la non-pénétration. Rien ne cache plus une communauté de problèmes que deux façons assez voisines de l'aborder» (ibid., p. 439). Parfait. Très bien. Ceci étant dit, voilà maintenant l'autre pôle de l'ambivalence, la distinction rigoureuse établie par Foucault entre sa pensée et celles qu'il vient ainsi, semble-t-il, de célébrer dans leur très voisine pertinence : «en schématisant, schématise Foucault, on pourrait, pour l'instant, affirmer que la conception du sujet adoptée par l'école de Francfort était assez traditionnelle, de nature philosophique ; elle était largement imprégnée d'humanisme marxiste. On explique de cette façon sa particulière articulation sur certains concepts freudiens, comme le rapport entre aliénation et répression, entre libération et fin de l'aliénation et de l'exploitation. Je ne pense pas que l'école de Francfort puisse admettre que ce que nous avons à faire ne soit pas de retrouver notre identité perdue, de libérer notre nature emprisonnée, de dégager notre vérité fondamentale ; mais bien d'aller vers quelque chose qui est tout autre» (ibid., p. 74). Foucault prétend donc ici aller vers «tout autre» chose que ce qu'il assimile gaillardement (et tout le discours anti-subjectiviste et anti-dialecticien de la French Theory reste sensiblement constitué de la même farine) à la vaine poursuite théorique de quelque impossible nature essentielle de l'Homme, perdue (mais restaurable en soi) dans le capitalisme. Il serait possible (tout est possible) d'admettre que les gens de l'école de Francfort aient été redoutablement cons. Néanmoins, à supposer que, çà et là, tout de même, à l'occasion, ils aient pu préserver le professeur Foucault de proférer (selon ses propres termes) quelques contingentes «bêtises», voire de commettre quelques «erreurs» notables, cette connerie, alors, des théoriciens-critique, aurait-elle pu aller jusqu'à leur laisser reconnaître l'effectivité d'une «essence»  humaine, d'une âme soumise - comme toute autre substance - à pré-détermination nécessaire ? Ce serait, assurément, les présenter comme des curés, ce qu'ils n'étaient point, en dépit (et sans doute du fait même) de leur grande sympathie pour le millénarisme apocalyptique, et la «métaphysique»  en général. À la décharge de Foucault, les marxistes attaqués en France, dans les années 1960, par cet «anti-humanisme» dont la Différance historique se revendique encore, étaient, pour eux, bien souvent d'authentiques curés, justement, ou au moins des compagnons de route des curés (comme, au reste, les y invitait depuis des lustres leur Parti «communiste» bien aimé, «parti de la main tendue et non du poing levé», selon l'expression stalinienne bien connue). Althusser et ses amis universitaires anti-humanistes eussent évidemment rencontré, face à Marcuse ou Adorno, une tout autre résistance que celle d'un Roger Garaudy ou d'un Georges Marchais. Foucault, lui-même, se trouve ainsi, selon nous, simplement contraint et forcé - par l'évidence de leur talent - de reconnaître une admiration pour ces penseurs farouchement dialectiques, auxquels il fait (voir nos textes ci-dessus) incroyablement, contre toute attente, profession de s'affilier. Seulement, les choses sont ici assez claires. Il n'est nullement question chez un Adorno, par exemple, de quelque «essence»  humaine à restaurer que ce soit. Il n'y a d'ailleurs rien à restaurer, chez Adorno, ou pas grand-chose, car il n'y a jamais eu, chez l'Homme, selon lui, pour schématiser (comme dirait Foucault. Du coup, on fait pareil, y a pas de raison) que soif de domination et souffrance, en alternance et ensemble. Les seules conscience et exposition de ce fait tragique évoqueraient, à la rigueur, un ailleurs possible de cette situation maudite, entrevu comme un pauvre fantasme, dans un clignement de paupières fulgurant et utopique, avant le retour inéluctable du désespoir normal généralisé. Ceci n'a, vous en conviendrez, que peu à voir avec la positivité d'une âme, d'une essence perdue à retrouver. Adorno se méfiait, d'ailleurs, à ce titre, de la notion d'«aliénation», lui préférant celle de «réification», qui ne suggère pas, elle, autant que la précédente, cette histoire d'essence authentique à récupérer, relativement à une autre essence, inauthentique, aliénée. Ces subtilités dialectiques (car, dans le même temps, Adorno se présente à corps et à cris comme dialecticien) auraient-elles échappé à Foucault ? Le projet de constitution d'un sujet dominant son objet, en tout cas, d'un Homme «enfin» rendu  maître de son monde (intérieur et extérieur), de sa nature, est absolument contraire à l'éthique adornienne, entièrement tissée de pessimisme et largement basée sur l'hypothèse d'un clivage natif et indépassable du sujet : un sujet, autrement dit, condamné au décalage perpétuel avec lui-même et, de fait, absolument introuvable, inaccessible, existant seulement - mais ce n'est pas rien : nous allons le voir plus loin - comme idée (au sens kantien). Cet Adorno-là ne colle donc franchement pas avec la sorte de portrait générique de la Théorie critique brossé par Foucault en 1978 : « les hommes n'ont jamais cessé de se construire eux-mêmes (schématise-t-il), c'est-à-dire de déplacer continuellement leur subjectivité, de se constituer dans une série infinie et multiple de subjectivités différentes et qui n'auront jamais de fin et ne nous placeront jamais face à quelque chose qui serait l'homme [c'est nous qu'on souligne, parce qu'on est des râgeux]. Les hommes s'engagent perpétuellement dans un processus qui, en constituant des objets, le déplace en même temps, le déforme, le transforme et le transfigure comme sujet. En parlant de mort de l'homme, de façon confuse, simplificatrice, c'était cela que je voulais dire ; mais je ne cède pas sur le fond. C'est là où il y a incompatibilité avec l'école de Francfort » (ibid., p. 75). 
Où diable donc Foucault aura-t-il été pêcher cette histoire de «sujet» francfortois unique, attaché à son identité de «chose», «finale», laquelle chose, dans son univocité, serait ainsi forcément la plus pauvre et misérable de toutes les choses ?L'idée ne se trouve évidemment pas chez le Marx «humaniste» et «philosophe» (deux gros mots, ça, chez Foucault ou Althusser, autant qu'«aliénation» ou «dialectique») de l'époque des Manuscrits de 1844. Un Marx se bornant simplement à recenser, alors, avec son pote Engels (voir la Situation des classes laborieuses en Angleterre, par exemple), la misère précise et concrète, l'avilissement visible perpétrés, sur cette somme objective de possibilités polymorphes que reste toujours invinciblement tout homme, par un système de domination objective, déterminée, qui s'appelle le «capitalisme» et qui ne peut se maintenir qu'en le prolétarisant : en l'astreignant, lui, en d'autres termes, à cette «essence», cette «identité» que la French Theory déteste à ce point chez les marxistes dialecticiens. Il faut être sacrément de mauvaise foi, cependant, et singulièrement aveugle, ou puant fort la bourgeoisie qui dort bien au chaud, pour nier que le capitalisme soit avilissant, en prétendant que ce serait par trop consacrer, là, le retour philosophique, clandestin, de l'essentialisme ou de l'âme humaine. Une telle position «purement»  théorique ne saurait se distinguer de son corollaire anti-pratique : car si la société capitaliste n'est pas un scandale, si elle est forcément ce qu'elle doit être (au nom de l'idée implacable, et soi-disant «matérialiste», qu'il n'est pas de «devoir-être» de la matière, pas d'idéal possible, d'image mobilisatrice pouvant constituer le «patron» de ce sur quoi la société devrait se régler), alors pourquoi diantre risquer son intégrité, sa vie, ou sa liberté, à lutter contre elle ? Pour augmenter sa puissance d'agir, sa force, comme le rabâchent les spinozistes deleuziens ? Mais ces spinozistes-là, ces glorieux constructeurs de pouvoir, ignoreraient-ils que, pragmatiquement, par-delà bien et mal, un ouvrier a souvent tout à perdre (en terme de «force» et de «puissance») du peu qu'il possède déjà, en se risquant dans telle ou telle action sociale, ou politique, qui ne soit pas enclenchée, en lui, par la plus impitoyablement subjective des colères, des rages, des haines vis-à-vis de l'injustice scandaleuse que le capitalisme commet réellement à son endroit, chaque heure du jour et de la nuit, de la naissance à la mort. Tout à perdre dans l'action. Pour la conscience, c'est autre chose. Un pauvre prenant conscience de lui-même, c'est-à-dire de cette misère historique qui le constitue (et l'empêche d'être un autre), suspend déjà ladite misère. Il est déjà devenu quelqu'un d'autre physiquement. Ces idées sont une capacité de défense physique, d'adaptation étendue. L'esprit, pour le dire autrement, non seulement existe, mais il n'existe que pour, par et dans ses échanges avec la matière, laquelle le constitue en retour, dialectiquement. Cette différence-là d'avec lui-même n'est pas, en l'homme désormais intéressé à la conscience (autrement dit : le pauvre) assimilable à une simple reconfiguration de forces : le sujet qui surgit là est puissance en tant que sujet, il a centralisé (dans cette identité psycho-physique qu'on appelle sujet) sa puissance, en lui donnant une possibilité supérieure - explosive - d'expansion. Et même sans cette dernière possibilité explosive, de toute façon le changement produit en lui par la conscience doit être identifié en termes de valeur : comme un mieux. C'est ce mieux tendanciel, cette amélioration de tel ou tel homme par la conscience (y compris la conscience, accrue, douloureuse, de sa misère objective) qui permet d'entrevoir, comme dans un rêve (le rêve est réalisation de souhait) un ailleurs de ce monde, un ailleurs qui serait enfin notre chez-nous, notre patrie. Que cette patrie n'ait jamais existé, comme le rappelle le sagace Foucault et ses amis sociologues ou historiens glacés, qu'est-ce que cela peut bien nous foutre, au juste ? Cela changerait-il quoi que ce soit au désir précis que avons de cette patrie-là, autrement dit à sa réalité de puissance, à son effectivité utopique irrésistible ? Telle est au fond toute la différence ayant jamais séparé la science de la philosophie, le positivisme de la subversion, et la Différance de la dialectique. En confondant (dans le dernier texte par nous cité ci-dessus), à l'aune d'une libération envisagée du sujet humain, la tendance utopique-pratique de l'école de Francfort (Marcuse) et sa tendance pessimiste (Adorno-Horkheimer), Foucault manifeste seulement son ignorance un peu embêtante de l'histoire des idées. Il n'est pas grave d'être ignorant, quand on n'assoit point, par ailleurs, une réputation de sérieux sur sa capacité de dévoration encyclopédique de livres obscurs, et inutiles, telle cette masse absurde d'archives médicales, administratives, etc, engloutie par le Maître du Collège de France, puis régurgitée, avec des rots de suffisance gourmande, devant un auditoire estomaqué. Le fait que, pour Foucault, l'école de Francfort, en son «humanisme marxiste subjectif» se résume tout entière à Marcuse n'empêche, d'ailleurs, en rien qu'Adorno lui-même, tout anti-subjectiviste soit-il, certes, reste cependant un dialecticien avéré. Son testament philosophique, La dialectique négative (1966), comme ses études consacrées à Hegel, de 1965, attestent, chez lui, une double volonté indéfectible : soutenir, d'abord, la Raison contre elle-même, c'est-à-dire son versant encore reconnu libérateur contre sa version technicienne, calculatrice, et dominatrice (ce dont n'aurait que foutre l'irrationnalisme - ou l'a-rationnalisme - assumé d'un Deleuze, par exemple, lequel ne connaît que des forces, de la matière, et point de raison). Deuxièmement, Adorno célèbre la dialectique comme critique immanente à tout donné se donnant formellement comme un absolu suffisant. Ce qui meut la dialectique adornienne, c'est cette contradiction minant pour ainsi dire a priori : de l'intérieur, tout donné, toute pensée, toute position physique, sociale, scientifique, psychologique. Pour le meilleur et pour le pire, de manière toujours recommencée, en un cycle ininterrompu d'espoir recouvré - le temps d'un pauvre instant utopique - et d'éternel retour de la domination. L'homme ravalé au rang de chose, d'objet, dans le capitalisme, conteste et sort de cette situation comme sujet intermittent recouvrant, en quelque sorte, une liberté de mouvement se prouvant par elle-même : en son impuissance même, et sa douleur. Inversement, ce «nouveau» sujet, à peine sorti de son état d'objet, manifeste, tout fragile et instable soit-il, à l'encontre des autres objets (du monde) une pulsion immédiate de domination. Et ainsi de suite, sans libération effective possible. Mais sans, non plus, fixation définitive, ni intégrale, au creux de l'un ou l'autre moment de cette situation tragique. Cette dialectique est tellement difficile à imaginer (sans parler de lui trouver une portée subversive, ou pratique) qu'elle éveille même, reconnaît Adorno dans la Dialectique négative, «le doute quant à sa possibilité». La libération n'existe en effet chez lui qu'à titre d'idée hors de portée, de seule fulgurance esthétique, d'extase sociale-sympathisante : je compatis avec la souffrance universelle, je pleure sur ceux et celles qui souffrent, je sens, brièvement, toute l'horreur qui s'abat sur eux, et c'est alors, seulement, et l'espace d'un instant, que je me sens, confusément, participer du meilleur de moi-même, que je m'estime le meilleur possible. C'est peu. C'est mieux que rien. Dans ce cadre de compassion, de sympathie schopenhauérienne envers le malheur vivant, la différence est, certes, donc, reconnue par Adorno comme critère de justice et de morale (le sujet adornien acceptant en effet la différence maintenue de l'objet, son indépendance, n'existant pas comme simple sujet prédateur, soucieux de s'assimiler l'objet extérieur, ainsi que le manifeste, à l'inverse, chaque seconde, la raison technicienne dominant son environnement naturel : tout ce qu'il subsiste encore d'étrange, d'étranger à elle, en-dehors et au-dedans d'elle, pulsionnellement). Mais il n'en reste pas moins que cette différence, fondamentale, s'efface non moins fondamentalement, chez Adorno, devant la nécessité dialectique : nécessité, aussi, que le différent se réduise chroniquement en semblable, en commun, en universel, au nom, redisons-le encore, pour Adorno, de la souffrance commune, identique, de l'humanité universelle. Cette tendance, dialectique, Foucault et la French Theory ne lui trouvent, quant à eux, ni pertinence, ni effectivité. Ni, évidemment, aucune grandeur. Cette grandeur-là n'est pas un concept scientifique, elle n'est pas mesurable. Elle n'intéresse donc aucunement nos penseurs très rigoureux de la Différence, qui n'aiment rien tant qu'enregistrer de la «donnée» scientifique, certes différente et multiple (diverse) dans ses avatars, mais en elle-même (en tant que donnée, facticité) indépassable. La French Theory, dans ses prétentions anti-dialectiques, présente ainsi son carnet de naissance, engendrée qu'elle se trouva par le couple infernal positivisme-empirisme (Empirisme et subjectivité fut, dans les années 1950, l'un des premiers ouvrages importants de Gilles Deleuze. Sa fascination pour David Hume ne sera jamais démentie : voir sa présentation éclairante, par exemple, de l'oeuvre humienne dans le recueil beaucoup plus récent intitulé L'île déserte). Foucault, quant à lui, dans l'Archéologie du Savoir (1969, année théorique), entre cent autres exemples, déclare son amour exclusif - d'historien sans Histoire - pour la totalité opératoire de l'appareil cybernétique, désormais vintage, des années Poher-Pompidou : toute cette ignoble logique d'ingénieur-statisticien, dont il entend bâtir ses livres et sa science soi-disant nouvelle, dont l'Archive constitue l'hypostase mythique. Les situationnistes, de la chose, ont émis le commentaire définitif (voir notamment les §201 et 202 de la Société du Spectacle). Mandosio, en cette affaire, se montre, dans son Foucault, longévité d'une imposture, bien plus méchant que nous (et plus talentueux). Il suffira donc, pour aujourd'hui, à notre bonheur mesquin et décidément revanchard (la French Theory est partout, si vous saviez ! elle nous observe en ce moment même) de conclure sur ces mots d'Anselm Jappe, relayant efficacement tout ce qui précède : «Les cibles polémiques que privilégient des auteurs comme Foucault, Deleuze, Derrida, Althusser, Baudrillard et Lyotard sont la dialectique et l'identité, la première étant considérée comme incapable de dépasser "la logique de l'identité" (l'idée d'une dialectique non identique, comme celle qu'a tenté d'élaborer T. Adorno, ne semble même pas avoir effleuré ces penseurs) et de rendre compte de la différence. Ils rejettent l'idée d'un sujet doté d'une identité suffisamment forte pour rester inaltéré, dans son noyau, au milieu des changements. Il est facile de constater que l'abandon d'un tel sujet prive de tout sens l'idée d'une aliénation à laquelle l'individu est en mesure de résister » (Guy Debord, éditions Via Valeriano, 1995, p. 194). 

T'as compris, coco ? 
Tu laisses tomber la dialectique. 
L'aliénation, c'est dans la tête.


(à suivre...)       

samedi 10 décembre 2016

Ça devrait marcher


Maudite soit la guerre...

Bon anniversaire à Kirk !

Et salut à L'herbe tendre...

vendredi 9 décembre 2016

La race comme si vous y étiez


Dans une période de recul des luttes, d’atomisation et de confusionnisme diffus, alors que les thèses complotistes et antisémites de Soral et Dieudonné colonisent les imaginaires, le Parti des Indigènes de la République (PIR) s’invite sur les plateaux télé pour imposer un «nouvel antiracisme» qui ressuscite le concept de «race». Par le biais d’un chantage moral à la culpabilité «blanche» et collective, la non-mixité «racisée» est imposée comme une évidence dans le débat public tandis que prospèrent leurs grilles de lecture et leurs pratiques ségrégationnistes jusque dans les conflits sociaux. Alors que ces positions essentialistes issues de cénacles universitaires ne se donnent même pas la peine d’avancer masquées, une tétanie semble s’être emparée des milieux contestataires, et c’est un tapis rouge qui finit par être déroulé devant les tenants de la guerre de tous contre tous. Face à la publication d’un pamphlet ouvertement raciste comme Les Blancs, les Juifs et nous (Houria Bouteldja, édition La Fabrique) qui voudrait tracer les grandes lignes du projet de la gauche gouvernementale comme radicale tout en lançant des appels du pied aux dieudonnistes, les réactions sont d’une rareté et d’une timidité étonnante. De fait, ce bréviaire de la «lutte des races» qui prône la soumission des femmes et l’ostracisation des homosexuels dans les communautés, la haine viscérale du juif, «chouchou de la République» et l’hypothèse négationniste comme finalité stratégique ne choque déjà plus grand monde.

La race, comme si vous y étiez ! s’inscrit dans une perspective simple : contrer la tentative de réimplantation et de promotion des logiques raciales, philoreligieuses, communautaristes et identitaires avançant sous pavillon antiraciste et déblayer le terrain pour ouvrir des possibilités de perspectives subversives et révolutionnaires qui permettront de s’y opposer.


Revoilà le casse-planète

mercredi 7 décembre 2016

Présumées coupables



lundi 5 décembre 2016

Micromodules


« Cette méthode marque les débuts de la microminiaturisation. Elle est caractérisée par l'utilisation de composants séparés, mais ayant deux dimensions identiques permettant leur empilage en modules fonctionnels compacts. »

(Jacques Dezoteux et Roger Petit-Jean, Les transistors

samedi 3 décembre 2016

Tu vas répondre, ordure ?


« Si donc c'est par des paroles sonores et passagères que vous avez dit : "Que le ciel et la terre soient !", si c'est ainsi que vous les avez créés, c'est qu'il y avait déjà, avant le ciel et la terre, une créature corporelle dont les mouvements déroulés dans le temps avaient fait vibrer cette voix dans le temps aussi. Or il n'y avait point de corps avant le ciel et la terre, ou s'il y en avait un, c'est que vous l'aviez certainement créé sans le secours d'une voix aux paroles successives, afin que précisément pût être créé par vous cette voix aux paroles successives qui devait prononcer : "Que la terre et le ciel soient !" Car un corps, quel qu'il fût, condition de l'existence d'une telle voix, n'eût pas existé, si vous ne l'eussiez créé. Mais pour créer ce corps grâce auquel auraient pu être émises ces paroles, de quelle parole vous êtes-vous donc servi ? »

(Saint Augustin, Confessions, livre onzième)

vendredi 2 décembre 2016

Au fait : le moine bleu a cinq ans !

On s'en sera payé, des tranches...