dimanche 20 décembre 2015

Du monde invisible


« Quand le monde visible semble déjà s'écrouler, se vider à peu près de son âme propre, perdre ses catégories, les sonorités du monde invisible peuvent prendre, en lui et par lui, forme plastique : c'est une façade qui disparaît, une abondance qui croît, la métamorphose en une forêt, un flux et un reflux des choses dans la forêt de cristal du Moi, une explosion plus créatrice, plus profonde, c'est le pan-subjectivisme présent dans la chose, derrière elle, en tant que chose elle-même. L'objet extérieur, quant à lui, disparaît autant qu'il réapparaît, semblable à l'un des cinq cent dieux de Canton, qui réapparaît dans le temple du Canton intérieur caché. Ici, les oeuvres d'art, devenues étrangement familières, peuvent nous apparaître comme des miroirs de la terre dans lesquels nous apercevons notre avenir, comme des ornements masqués de notre forme la plus intérieure, comme la réalisation enfin perçue et adéquate, comme la présence même de ce que nous avons toujours pensé, du Moi, du Nous, du tat twam asi, de notre splendeur qui s'élance en secret, de notre existence divine cachée. Il s'agit bien de la même nostalgie : voir enfin le visage de l'homme. »

(Ernst Bloch, L'Esprit de l'Utopie)

2 commentaires:

  1. Superbe texte. Intelligent, réconfortant, nécessaire.
    Encore un excellent choix, cher Moine.

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  2. Magnifique !
    Blaireau 58

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