mercredi 4 février 2015

Hassidico-anal

Illustration tirée de l'album With love de Yom and the wonder rabbis.
 
« En même temps qu'il sape les fondements historiques du judaïsme, montrant d'une part que Moïse serait en réalité égyptien, d'autre part qu'il fut massacré par ses Lévites au moment d'entrer en Terre promise, Freud voit monter le nazisme et la persécution qui l'accompagne, et il critique et explique à sa façon «la régression vers une barbarie presque préhistorique» du peuple allemand. Ambivalence cohérente avec la théorie de Freud sur les phénomènes religieux : ils sont comparables, dit-il, aux névroses individuelles, et, de ce fait, ils sont le résultat d'un refoulement historique. Freud est donc historiquement et culturellement religieux : pour lui, ne pas «renier», comme il le dit, le judaïsme, c'est simplement obéir aux déterminations historiques de son passé. Mais critiquer, en l'expliquant, l'attitude juive par rapport à la loi, à la répression culturelle, aux interdits de toutes sortes, c'est lever en partie le refoulement historique. Freud se définit comme un «juif infidèle» : du côté de l'infidélité se tient son athéisme, du côté du judaïsme se tient sa fidélité au passé, collectif et individuel.

Cet horizon d'ambiguïté à l'égard de l'idéologie religieuse marque profondément et la démarche théorique de Freud et l'évolution du mouvement psychanalytique. La tradition culturelle juive se retrouve diffuse dans la théorie de Freud : dans l'incertitude et la désespérance quasi-mythiques qui connotent les textes sur la civilisation, dans l'inachèvement posé au principe de la thérapeutique de la cure psychanalytique, jamais achevée en droit, tout comme l'errance de la diaspora juive ; dans l'écriture de Freud, enfin, au niveau des multiples anecdotes, récits, histoires drôles (surtout dans l'ouvrage sur Le Mot d'esprit) qui sont le signe spécifique non pas du judaïsme en général, mais des formes culturelles qu'il a prises à Vienne dans le ghetto ; si un rapport peut être pensé entre Freud et Kafka, c'est sur ce sol qu'il faut le construire, comme une défense critique dans une situation d'exclusion sociale. C'est en quoi l'origine idéologique de la famille de Freud est décisive pour la genèse de la psychanalyse, instrument de critique et de soins axé sur un malaise dont Freud a fait l'expérience sous la forme de l'antisémitisme. »

(Catherine B.-Clément, Le sol freudien et les mutations de la psychanalyse).

                         

7 commentaires:

  1. Si jamais vous ne l'avez pas encore écouté: "Le Silence de l'Exode" de Yom, son dernier album, est juste magnifique. Je dis ça, j'dis rien. Idéal pour accompagner une retraite monacale au milieu du désert, avant le silence définitif.
    Prh

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    1. Merci du conseil.
      Sinon, niveau retraite, on est plutôt bord de mer.

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  2. C'est ben vrai, ça !

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  3. Le groupe préféré d'alain soral !

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  4. rhooo! j'avais pas vu qu'il y a une vidéo de Yom!
    Il est vraiment bien ce blog!

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  5. J'adore la musique de Yom, je l'ai découvert via les duos qu'il a fait avec l'excellent guimbardiste Wang Li.
    Quoique Tchernobyl soit ma chanson favorite.

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