jeudi 27 février 2014

Vite fait, sur l'Eekhoud

Le Moine Bleu battant sa coulpe en compagnie de quelques amis (Détail)

 Dans notre recension récente du fort beau recueil de Georges Eekhoud (Une mauvaise rencontre) édité à la fin de l’année dernière par les lilloises Âmes d’Atala, il apparaît que, sur un point extrêmement précis, nous ayons fait preuve de légèreté coupable. Que celle-ci ait été suscitée par la paresse ou un usage ponctuel trop massif de drogues de diverses origines est une question intéressante, qui fera l’objet d’un prochain billet éventuel. Bornons-nous pour l’heure, si vous le voulez bien, à cette précision utile qu’il nous faut ici délivrer.

Évoquant en effet, dans notre recension, l’antisémitisme récurrent du sieur Eekhoud, nous faisions référence, vers la fin de notre étude, à certain appel de Ian Geay, postfacier de l’ouvrage  – « rappelant la surdétermination, par le contexte particulier, finiséculaire, d’un tel antisémitisme » (tels étaient nos mots) – à ne pas « à ce sujet, se méprendre, à ne pas commettre d’anachronisme. » Cette position, écrivions-nous alors, nous paraissait mériter débat, au nom de l’immense proximité que nous reconnaissions (nous la reconnaissons toujours, comme, d’ailleurs, Ian Geay lui-même, ainsi qu’il nous l’indique dans un courrier récent) entre « les » antisémitisme(s) d’hier et d’aujourd’hui. 

Or, après vérification scrupuleuse, il s'avère que la formule de Ian Geay que nous visions à l’origine avait été trop rapidement lue par nos (mauvais) soins. Ses deux phrases, constituant précisément l’ensemble de sa note 22, gisant au bas de  la page 144 de l’ouvrage, disaient exactement ceci : 

« Ce qui nous poserait nettement plus problème que de savoir s’il a été un bon anarchiste ou pas, c’est l’antisémitisme, le patriotisme et l’obsession viriliste d’Eekhoud [souligné par Le Moine Bleu] qui ressurgissent parfois, comme par exemple dans l’article Des hommes, publié dans ce volume. C’est suffisant pour que quelques tendineux du bulbe se réapproprient la figure d’Eekhoud et fassent de l’écrivain un « penseur national révolutionnaire qui appelait à une juste haine contre l’argent et contre ceux qui le servaient et à un amour chaleureux pour les hommes du peuple, sains et généreux. » Un regard lucide porté sur l’époque permet d’éviter ce genre d’amalgame et d’anachronisme. »

La figure littéraire d’Eekhoud s’étant trouvée de longue date convoquée, et en quelque sorte « embrigadée » à fin d’asseoir la propagande forcenée d’une poignée de flamingands nationalistes-révolutionnaires, c’est bien en l’occurrence ladite récupération politique – rigoureusement symétrique aux tentatives infructueuses d’autres militants par trop orthodoxes : anarchistes, par exemple – que fustigeait là Ian Geay. L’antisémitisme d’Eekhoud, quant à lui, à le considérer spécifiquement, était présenté comme absolument indubitable, non-suspect d’interprétations « anachronistes » ou « amalgamantes ».

Observer, donc, que « l’antisémitisme, le patriotisme et l’obsession viriliste » témoignent certes hautement de la confusion et de l’ambiguïté pouvant régner à la fin du dix-neuvième siècle, en Belgique ou en France, dans l’esprit d’un littérateur proche des milieux anarchistes, est une chose. 

Citer incomplètement la phrase d’un livre en est une autre. 

Que cette erreur se trouve ici rectifiée.

Et notre ami Ian, grandement salué.

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