lundi 29 avril 2013

Reaktionär für Anfänger

Ein Deutschfeindlicher.

Ein Frankreichfeindlicher.

Ein Rechnungsführer.
 



mercredi 24 avril 2013

Les morts ne peuvent pas se défendre (lieu commun numéro 66).

Pologne (planète Terre), avril 2013
   « Essayez, par exemple, de pisser contre la statue de Gambetta et vous verrez sur-le-champ s’épaissir, se coaguler, se condenser et finalement apparaître, sous la forme de la répression la plus exaltée, toutes les sales ombres intéressées au prestige de cette abominable charogne. J’appelle ça se défendre. »
Léon Bloy, Exégèse des lieux communs.

mardi 23 avril 2013

L'anneau des Nibelungen

 

« Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur. » (Montesquieu)

lundi 22 avril 2013

Sam Millar, dans la noirceur des os.


Honnête, sympathique et efficace polar que ce Poussière tu seras, œuvre de Sam Millar publiée en Français chez Fayard Noir voilà déjà quelque temps (2009) dans une traduction tout à fait satisfaisante de Patrick Raynal, et rééditée ces jours-ci dans une version de poche simplement expurgée dune quinzaine deuros.
Il serait évidemment possible ici de s’extasier – à l’infini – sur la bonne fortune finale de M. Millar, ancien militant de l’IRA ayant purgé, pour services rendus à la cause, une quantité infernale d’années de prison et de sévices annexes, avant de se voir désormais bombardé nouveau chef de file indiscuté du roman noir irlandais (ou « Hibernian », comme diraient les regrettés Molly Maguires). Nous nous bornerons à cette banalité de base déjà énoncée par J.-P. Manchette dans sa célèbre préface au Je m’appelle Reviens d’Alexandre Dumal, et selon laquelle – en substance – celui qui sait vivre saura aussi écrire, quitte à susciter çà et là, à ce sujet, quelque jalousie bien légitime chez les écrivains sans histoires (c’est-à-dire professionnels). Deux courts extraits de Poussière tu seras suffiront à donner une idée de cette attitude de Sam Millar en face des exigences fort voisines de la vie et de l’écriture. « Il est des gens, écrit notre homme, qui apprennent à vivre dans l’adversité ou, du moins, à éviter d’aggraver un problème par un autre». « L’autopréservation, précise-t-il plus loin avec le même détachement analytique, particulièrement quand la mort approche, est le plus puissant aiguillon de la vie. »
On trouverait aisément ce genre de sentences chez un Eddy Bunker, par exemple, ou un Harry Crews. La description, d’ailleurs, par ce dernier d’une castration artisanale au coupe-chou (dans La foire aux serpents) serait à rapprocher du traitement subi – et découvert à la fin de son livre – par un personnage de Millar. Les envolées tourmentées, les délires quasiment lautréamontesques n’étaient point exclus de la méthode certes très « behaviouriste » de Crews. Jim Thompson, de même, pouvait se montrer tout à la fois furieusement précis et troublement inspiré.
Le phénomène est le même ici. Mais les gens que nous venons de citer étant des Américains, Millar, élevé comme eux à l’école du grotesque, aura puisé quant à lui dans une forme de classicisme gothique l’essentiel de ses (grandes) capacités d’horreur.
C’est dire, d’abord, si les thèmes, la manière et les protagonistes de Poussière tu seras peuvent également se voir présentés comme rugueux, voire rudes. C’est reconnaître, secondement, que cette violente simplicité du style ne lui ôte aucune force d’évocation, qu’elle vise juste, prosaïquement, à ne point se perdre en route, à conserver intacte la puissance d’épouvante et de surprise que l’auteur manifeste. 

L’histoire est simple. Et terrifiante. Jack Calvert, ancien policier désespéré d’avoir tué sa femme au cours d’un accident de la route, et rongé par le remords et l’alcoolisme, vit seul avec son fils adolescent. Celui-ci, un jour, après une dispute, disparaît. Dans le même temps, un décor social est campé, guère reluisant. Une fillette a – elle aussi – disparu. Un barbier bigot amène en tremblant sa dose quotidienne d’héroïne à la junkie dont il partage la vie, qui le domine et lui inflige, en retour, sous une douche glacée, d’impressionnants supplices à base de gommage de peaux mortes amélioré. Un clochard découvre, dans un ancien orphelinat en ruines, des cadavres fort mal en point, dont l’un décapité et sobrement muni d’une barre de fer rouillée, enfoncée dans l’anus…
Bref, ce genre de choses.
Baudelaire n’admettait, on s’en souvient, qu’une esthétique de la sécheresse, capable de discipline, de s’interdire d’excéder la capacité d’attention du lecteur, forcément limitée. Millar, suivant là ce précepte à la lettre, nous présente une litanie d’événements et de portraits en de très courts tableaux (quelques pages) fort rapprochés, multipliant – sans se disperser – points de vue et sources d’angoisse diverses. Tous ces faits finiront par converger et s’expliquer, enfin, par le projet de vengeance d’un enfant autrefois violé et martyrisé par la bonne société de la ville de Belfast, avec la complicité et le soutien d’une partie de l’Église et de la Police.

Ceux qui attendent, en dépit de cet aspect disons moraliste de l’œuvre, une critique sociale des institutions en seront cependant pour leurs frais. Le Belfast décrit par M. Millar brille par son abstraction. À vrai dire, la ville et la forêt à proximité, qui sert de théâtre à moult scènes macabres du livre, se ressemblent étrangement, symboles de la rectitude mécanique de destins parallèles, qui – donc – ne se croisent pas (Jack et son fils, Jack et Sarah) ou, quand ils se croisent, provoquent, par-delà bien et mal, quelque sordide explosion de sang, de terre et de foutre, les animaux (lapins, corbeaux) et les hommes partageant également, à l’aune des pires souffrances imaginables, semblable indistinction. On trouvera bien, dans Poussière tu seras, quelques saillies conjoncturelles (si l’on ose l’expression) un peu maladroites contre la pédophilie, l’impuissance de la Justice ou d’autres fléaux médiatiques du jour. Mais elles se trouvent vite tempérées, voire annulées par la poursuite presque sereine – allègre ! – de l’intrigue. Si bien que le livre à thèmes, lourdement édifiant ou documentaire, est fort heureusement évité. Il ne reste – sous nos yeux hallucinés – qu’un paysage brumeux (parsemé de neige, de drogue, d’étangs gelés, et d’ossements), un paysage de rêve, hanté de spectres tous chargés de raisons (obscures) de se causer du mal les uns aux autres. Un rêve blafard d’où l’on se voit tiré sèchement de temps à autre par quelque intervention, quelque incision scientiste ayant, de notre point de vue, pour objet le rétablissement de l’humanité dans sa dignité. Telle serait la fonction, par exemple, d’un personnage comme le médecin-légiste Shaw, qui ne cesse d’en appeler à la froide lucidité – contre l’émotion débilitante – en face de cadavres pourtant franchement épouvantables, à force d’être hautement dégradés. Ce rappel à la froideur productive est aussi le fait régulier de Jack Calvert lui-même, confronté au devoir de lucidité s’il entend retrouver son fils, d’une part, tout simplement survivre (à la fin de l’œuvre) d’autre part. On pense là, bien entendu, au Nécropolis, de Herbert Liebermann, dans lequel un ponte légiste New Yorkais se retrouve, comme on sait, brutalement confronté à la perspective de se coltiner bientôt, en tant que professionnel, le cadavre de sa propre fille.
Mais tout cela évoque également – et surtout – Edgar Poe, et cette tendance gothique moderne dont nous avons déjà parlé, faisant le lien entre l’univers onirique, ses délires les plus poussés, grotesques et horrifiques, et l’exigence de précision, de rationalité la plus absolue. Les références à Poe sont d’ailleurs transparentes : l’un des protagonistes se nomme William Wilson, la figure du corbeau ouvre et ferme l’ouvrage, Adrian – le fils de Jack – croit voir nettement, dans une forêt, une femme qui s’en révèlera une autre… Le nom même de Jack Calvert, le héros (alcoolique, comme l’écrivain américain), est un rappel du lieu (Calvert Street, à Baltimore) où Poe est censé avoir trouvé la mort. Au-delà de ça, plus fondamentalement, on sent chez les flics et détectives ici mis en scène le même plaisir intellectuel simplement pris à résoudre un problème, à mener correctement une enquête objectivement stimulante, qui s’exprimait déjà dans La lettre volée, Le scarabée d’or ou Double assassinat dans la rue morgue. C’est ce qui fait de Poussière tu seras une ouvre hybride, entre thriller et polar. La résolution de l’énigme – laquelle amène dans le thriller le rétablissement d’un ordre dont le déséquilibre soudain provoquait l’inquiétude – y provoque plutôt le retour au monde intégralement pourri faisant le décor ordinaire du polar (on s’attend en effet, à la fin du livre, à des révélations fracassantes quant à l’ampleur gigantesque de cette affaire de viols pédophiles organisés par, et au profit des piliers traditionnels de la société bourgeoise).
Le symbolisme, quand il tombe ainsi entre de bonnes mains, fait la preuve de ses grandes tendances égalitaristes. Gustave Moreau rend les hommes égaux devant les somptuosités mixtes qu’il déploie, empruntées par ses soins à toutes les mythologies, toutes les Histoires, sans qu’il soit précisément besoin d’être un historien, ni quelque autre savant patenté que ce soit, pour commencer à les admirer, et en jouir. L’égalité radicale des hommes devant le Rêve, devant ses charmes et pouvoirs nébuleux est une idée sublime, dont Sam Millar, ici, se sera fait sectateur.
À cette précision près, bien entendu, que le Rêve qu’il aura choisi s’avère un éprouvant cauchemar. 

dimanche 21 avril 2013

Et toujours notre grand concours !

 

Bien entendu, vous connaissez désormais les règles, ô fidèles et enthousiastes lecteurs ! Il semble néanmoins que notre jeu tende - nouveauté suprême ! - à s'internationaliser, si l'on en croit ce dernier envoi perpétré, depuis la lointaine et rude Germanie, par une sympathique demoiselle Wilhelmine S., de Hambourg. Notons au passage ici l'irruption, salutaire et primaire, de la Photographie couleur, art majeur s'il en est.


Melle Wilhelmine S. - parfaitement francophone - tient à nous préciser dans son courrier que le banquier idéal se trouve ici sur la partie droite de l'image, sans quoi elle eût plutôt parlé de banquière idéale. Grâce soit ici rendue à son perfectionnisme.


vendredi 19 avril 2013

Un témoignage bouleversant

 
         
Dédié à Lilith Jaywalker et au Marquis de l'Orée, dont l'amour pareil de l'institution muséale - et des autres - aura toujours constitué un glorieux exemple.

Il s’agissait de devenir gardien de musée. Il s’agissait – dans ce but – de passer un certain concours, de se soumettre avec discipline à un certain nombre de tests à caractère culturel, voire logique. On recensait au total, ce matin-là, 1270 candidats. On fournissait deux postes. Il y aurait une onzaine d’admissibles qui le seraient, admissibles, à s’exprimer – un peu plus tard – devant certain aréopage qui le dirait enfin, s’ils le seraient ou non, gardiens de musée. J’étais porteur du numéro 731. J’entamai mon premier QCM et tout de même les choses roulèrent car je savais qui au juste, en ce pays, était le chef des Armées, ensuite ce que signifiait exactement l’acronyme EPCI. « Dans trois minutes, vous poserez, glapit une voix de femme, vos stylos ». S’ensuivirent des menaces, relatives aux peines encourues par tout scribouilleur tenté de persister, sans parler des tricheurs de tous ordres annexes. D’un bout à l’autre de ce hangar (gigantesque), une poignée de surveillants au physique de lutteur et à pull-over rouge (la sécurité incendie), arpentait le territoire. Des détails étaient romanesques. Sans doute furent-ils aperçus de quelques personnes, une telle aperception requérant peu de temps, sinon de finesse. Dehors, auparavant, une foule s’était groupée en tas dessous la pluie glacée, dans les lueurs de l’aube. La température était basse. Puis la foule s’était structurée en rangs, à l’appel aboyé de noms. Un agrégatif causa avec une fille, porteuse de dents jaunâtres, dont l’air était d’une effrayée, d’une instable, d’une frigorifiée. La fille sembla familière des questions artistiques. Le terme de médiation culturelle fut exprimé. Une conversation, d’aspect déséquilibré, s’engagea entre ces deux personnes quant aux relais divers parfois nommés (lors des informations télévisées, par exemple, du soir) des passerelles vouées à relier plus efficacement les mondes de l’entreprise et de la création. L’agrégatif semblait clairement entreprendre de séduire la fille. Leur excitation commune était perceptible. Il s’agissait de devenir gardien de musée, de seconde classe. « Ce sera donc mon troisième » murmura l’agrégatif, sous le crachin, signifiant par ces mots que le concours tenté ici serait, pour ce qui le concernait, le troisième de la semaine, d’où sa fatigue également suggérée, murmurée dans un souffle d’indéniable tranquillité (d’apparence cynique) à l’oreille de la fille, au cul – également – du calamiteux stationnant juste devant eux, dans la file. Ayant parfaitement ouï l’agrégatif, ce dernier estima brutalement, aujourd’hui et vis-à-vis de lui, ses chances de succès tout à fait négligeables, étant donné ses niveaux d’orthographe et de culture générale, peut-être insuffisants. Il manifesta par certains signes grossiers – une tendance à l’expiration bruyante ainsi qu’à l’hyper-mobilité scapulaire et, de manière générale, au trépignement quasi-ambulatoire – sa redoublante hésitation face à l’humiliation qu’objectivement représentait cette file, dont il constituait une partie. Cette queue symbolisa soudain cruellement en son esprit – au fond, bien davantage que l’échec de toute une vie professionnelle – une simple perte de temps et de sommeil réparateur et confortable. 1270 candidats. Deux gardiens de musée. Entra-t-il, pour finir, celui-là ? Peu m’importait, à moi, désormais, qui entamai avec confiance le deuxième exercice : un cas pratique. Il s’agissait d’assurer l’évacuation correcte d’une poignée de visiteurs (il y aurait un colis suspect et les démineurs seraient en route) dans un établissement à deux étages, comment s’y prendre ? Eh bien, d’abord, évidemment, bloquer les caisses au rez-de-chaussée, afin de refouler tout nouveau client éventuel. Puis, par un jeu adroit de conversations téléphoniques savamment élaborées, transmettre les consignes aux collègues demeurés à l’étage, avec la meute. Calmer celle-ci. La rassembler dans la salle qui était la salle M 3, d’après le plan fourni. Envoyer quelqu’un en arrière, histoire de vérifier que personne ne manque : un traînard quelconque, resté planté devant quelque toile par trop éblouissante ou enclavée. Faire donner, enfin, synchroniquement, l’annonce d’usage (une voix chaude et rassurante quoique de synthèse, peut-être). Et les envoyer tous, en privilégiant les vieux et les jeunes (et faisant porter éventuellement les uns par les autres) en bon ordre, par l’escalier E 2 (d’après le plan fourni). « Vous allez maintenant poser vos stylos ! » glapit derechef la voix au bout de son hangar – et ce sont les mêmes hangars, absolument, qu’ils ont à l’aéroport Tân Son Nhât de Saigon, avec à l’intérieur les carcasses d’hélicoptères yankees n’ayant jamais pu être évacuées. On les distingue parfaitement, du ciel, à l’approche de la piste d’atterrissage. Je me retourne vers l’antillais assis juste derrière moi, le numéro 732. Nous confrontons – avec une fatalité surjouée – nos réponses. L’antillais douche immédiatement ma satisfaction. Il me rappelle, en effet, que sur deux points majeurs, mon protocole d’évacuation péchait. D’abord, avais-je ordonné de bloquer l’ascenseur A 1 ? Certainement pas, hélas ! Or, en situation réelle, j’aurais bien à rendre compte de tous ces cadavres d’enfants rôtis ou asphyxiés, pour s’être jetés tête baissée, au pire moment, au fond de ce piège mortel.
« Mais il ne restait personne. On l’avait…vérifié. 
– Mmmh, sourit l’antillais, sarcastique, en principe, il n’y avait plus personne. C’est vrai. Le Jury ne devrait pas être trop dur sur cette histoire de protocole. » 
Une sueur froide inonde mon dos. J’ai fauté. 
Sans compter qu’ai-je refermé, deuxièmement – ou fait refermer, car il s’agit de devenir en quelque sorte gardien de musée-chef, un poste à responsabilité – les inévitables portes coupe-feu, à l’étage, suivant la progression générale des évacués ? Il me faut bien convenir que non. Le sourire de 732 tourne franchement au paternalisme. Il se fait protecteur. Consolateur. Je ne suis qu’un étron pestilentiel. À qui l’on ne manquerait certainement pas de présenter la facture (après l’explosion et l’incendie) de toutes ces œuvres d’art parties en fumée là-haut, dans un unique battement de cil. 1270 candidats. Deux postes. Je vois dans mon délire ce 732, par ailleurs extrêmement sympathique, s’asseoir tranquillement à la droite de Dieu aux côtés des élus, cependant qu’une odeur de souffre commence à m’environner, irrésistible, se faisant chaque seconde plus précise et forte. Je parviens à masquer, néanmoins, mon désarroi, d’un sourire blasé. Je me retourne au-dessus de ma table. Je laisse errer mon regard. Et c’est à ce moment, le pire, que je LA vois. « Nous allons à présent, glapit la voix du bout du hangar, vous distribuer le dernier sujet ! Vous attendrez notre signal pour retourner la feuille distribuée… » Je ne l’entends plus. C’est que la créature, là-bas, est sublime, dont j’estime le numéro de candidate aux alentours du 614-618. La jeune fille est diaboliquement belle et rousse, ce qui ne l’empêche nullement de mordiller prosaïquement, en toute simplicité nerveuse, le bout grotesque de quelque stylo-bic de fabrication délocalisée. Elle se tient cambrée sur sa chaise. La ligne de sa colonne vertébrale, souplement étirée, est parfaite, ainsi qu’en juge d’ailleurs, de manière parfaitement ostensible, le numéro…617, mettons ! lequel est un homme d’allure quadragénaire et grasse, immédiatement installé derrière elle, aussi proche de cette perfection, aussi opportunément inaperçu d’elle que peut l’être, en cet instant même, 732 vis-à-vis de moi. 732 se trouve justement alors renifler bruyamment, avec satisfaction, en découvrant le dernier exercice présenté à la sagacité générale. « Ah ! le devis ! dit-il. C’est encore ce que je préfère… ». L’on dépose le sujet sur ma table. Je le déchiffre, fort machinalement. Il s’agit d’assurer l’organisation, d’estimer le budget moyen, de rédiger le devis général d’un prochain vernissage. « Vous venez d’être affecté en qualité d’Adjoint d’accueil, de surveillance et de magasinage de 2ème classe dans un musée parisien. En l’absence de votre supérieur hiérarchique direct, l’ABSM (assistant spécialisé des bibliothèques et des musées), le secrétaire général vous demande de préparer un projet de note au commissaire de l’exposition qui souhaite inviter 500 personnes. » Le choix doit ainsi être effectué – incisivement – entre les salles 1, d’une superficie de 400 m2 et séparée de l’entrée d’un couloir de 600 mètres, et les salles 2 et 3, de superficie différente (voir le plan fourni) et d’accès parfois plus complexe et rébarbatif, sachant que la jauge d’occupation fixée par la Préfecture de Police de Paris est traditionnellement de 1 personne pour 3m2, ce que je découvre avec un enthousiasme quasi-nul. Mettre en place un circuit idéal permettant à tous les visiteurs de déambuler légalement, fluidement,  confortablement d’une salle à l’autre : cela, c’est mon travail, ainsi qu’estimer le coût total de l’embauche d’un personnel concerné dont le taux de rémunération horaire est destiné, le soir du vernissage, à fluctuer, attendu que l’événement se déroulera de 20 heures à 24 heures, autrement dit à cheval sur trois taux : 20 euros de 20 heures à 22 heures, puis une première majoration de 25 % après 22 heures, et une seconde pour la période après minuit (+ 50 %). Tout cela, oui, c’est – ce serait – mon travail, lequel implique également de tenir compte du prix d’un plateau-repas moyen destiné à ce même personnel qu’il s’agit de rémunérer selon l’usage : 16 euros. Le menu n’est pas spécifié. Je jette un œil au nombre total d’employés, cependant que dans mon dos, 732 s’agite quelque peu, faisant aller sa chaise d’avant en arrière, et celle-ci crisse. Le bruit m’agace et me distrait. Je relève la tête et laisse dériver mon regard du côté de 614-18. 616-et-quelques, hélas ! m’interdit désormais toute plongée visuelle au-dessous de la ligne scapulaire de 614-18. Seule la tignasse rousse de cette dernière, saillant encore dessus la ligne indistincte des autres candidats six-centenaires, témoigne encore de sa présence émouvante et évanescente dans le secteur. Je postule alors franchement que 616-et-des-brouettes a, de manière définitive, renoncé à concourir, qu’il entend seulement jouir au mieux, quelques minutes réglementaires encore, de ce spectacle féminin déroulé devant lui, relativement auquel il aura organisé, sans équivoque, le meilleur positionnement possible, m’interdisant de fait, à moi, tout angle de vue profitable. Tel est l’égoïsme humain. La table et la chaise de 732 crissent de nouveau. Cette fois, je me retourne et lui adresse un sourire forcé et gêné, désireux de signifier quelque chose d’assez radical, un message du genre : «  Je me mets à votre place : il est certain que cela doit être bien pénible d’ennuyer ainsi les gens, sans le faire exprès mais sans pouvoir remédier à ce pénible état de fait. Toutefois, je ne vous en veux pas trop de cette ignominie. » Nous étions, avant cet épisode, avec 732, non pas amis, ce serait beaucoup dire. Mais nous avions cependant indéniablement développé des liens formels de complicité. C’est précisément la formalité de ces liens qui vient d’apparaître, pour ne pas dire leur facticité civilisée. Ladite apparition pourrait être liée à un complexe d’émotions, parmi lesquelles assurément le dépit de ne plus apercevoir adéquatement la ligne idéale du dos de 614-18 et celui de sentir, de moins en moins confusément, que s’éloigne la perspective de devenir bientôt gardien de musée (adjoint de surveillance, deuxième classe) pourraient être présentés comme congruents. Toujours est-il que le bruit de crissement émis derrière moi cesse aussitôt. Sur les feuilles de brouillon bleu dont je dispose, les chiffres et les nombres se mettent rapidement à pleuvoir, commutativement ou non, inscrits ou non dans le chaos – programmatique – d’un plan de salle d’exposition par moi-même brillamment ébauché (voir ci-dessous). Deux ou trois fois, sevré d’excitation algébrique, je me corrige et dois à la vérité tout reprendre, m’étant, par exemple ! omis dans le calcul général des sommes dues aux employés, ce qu’un psychanalyste compétent – je pense – saurait sûrement débrouiller, en tant qu’élément signifiant. 
 
  
Cent fois sur le travail, comme dit le poète. Tout de même, ça y est. J’ai fini. J’achève. Je conclus. Je triomphe. Une ultime vérification me comble d’aise. J’eusse dû faire mathématiques. Je me fusse grandi, jadis – et élevé – à polytechniciser. J’en eusse fondé, alors, des musées, plutôt que prétendre, comme aujourd’hui, suer sang et eau à les surveiller bien, voire même les saturer de devis en tous genres, ô besognes tellement éloignées des merveilles de l’Art. Je bouche mes stylos, compagnons fidèles. Je range mon sac, fais tournoyer au-dessus de ma tête quelque main volontaire annonciatrice – la mienne – celle qui me signale, empressée, aux autorités compétentes. Pauvre de moi. Pauvre de mon âme, de ce cœur qui se brise. C’est ainsi en me levant, déjà libérable ou presque, que me saisit l’effroi, depuis ce point de vue, depuis cette hauteur nouvelle. 614-18 est déjà partie ! Elle s’est fait la malle ! Elle en a eu marre ! Mais depuis quand, au juste ? Et voilà entamé le grand bal des reproches. Ah, diable ! que n’ai-je senti chez elle cette lassitude compréhensible qui me déchire maintenant si loin de mon amour ! J’étais trop occupé dans mes chiffres, je le confesse, oui ! dans mes désirs de gloire et de réussite. Ils me laissent ce goût amer que rien ne saurait éteindre. Dans un ultime sursaut, je me jette, je m’extirpe, je m’enfuis de ce hangar putride, longue plaine asphodélique des étreintes perdues, à force de n’être pas, celles-ci, de n’avoir pu être. Je franchis les portes, voilà que je me rue au travers d’une zone commerciale immense, et désolée, que j’arpente en tous sens, accrochant – partout le signal désespéré de mes regards en fièvre. Je ne la vois pas. Je ne la verrai plus. Je l’ai perdue, invinciblement. Où es-tu, 614-18 ? Où es-tu, ma mie, ma chair, mon sang ? Où es-tu, par-delà ces soupirs égrenés dans le vent ?  
- Eurydice !

 

jeudi 18 avril 2013

Irrationnel, elle.

IRRATIONNEL, ELLE : adj. (1361, « non doué de raison » ; lat. irrationalis). Qui n’est pas rationnel, qui n’est pas conforme à la raison ou du domaine de la raison. V. Anormal, fou. Conduite irrationnelle. Suppositions irrationnelles. V. Gratuit. « S’opposer au Marché serait irrationnel » (CAHUZAC). « La croyance en une quelconque nocivité des ondes électromagnétiques relève de peurs irrationnelles » (FLEUR PELLERIN). Ant. Capitaliste, Boursier, Austéritaire.

              

mercredi 17 avril 2013

17 avril

Boulevard Monivong, Phnom Penh, 17 avril 1975

 « Les hommes en noir arrivaient en file indienne, dans un alignement impeccable, la démarche feutrée, le visage terne, sans une parole, dans un silence de mort (…) Nombreux étaient les groupes de Neary, ou jeunes filles combattantes : oubliant leur féminité, plus résolues encore que leurs camarades masculins, tout leur être exprimait une froide détermination. »
 
François Ponchaud, Cambodge année zéro.



lundi 15 avril 2013

La bande à Chantal Mélior frappe encore ! (à partir du 16 avril)



 D’après La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole, L’Idiot de Dostoïevski, Aurore de Nietzsche, De Natura Rerum de Lucrèce...  
Du 16 au 21 avril 2013 au Studio Théâtre d’Asnières :
Mardi, mercredi, vendredi à 20h30, jeudi et samedi à 19h, dimanche à 15h30.  
Réservations : 01 45 35 78 37 ou sur le site du Théâtre du Voyageur.





dimanche 14 avril 2013

A la fin d'un jour ennuyeux (par Massimo Carlotto)

 
Massimo Carlotto
 
Le positif nous ennuie, aux sens médiéval et moderne du terme. Chaque fois qu’il apparaît dans nos vies, que ce soit pour sanctionner un test sérologique ou un contrôle d’alcoolémie, il représente une mauvaise nouvelle. Think positive ! beugle à longueur de temps la publicité mettant en scène battants, winners, « enfoirés » ou prédateurs au grand cœur. Il y a une pensée positive, un syndicalisme positif (également dit « constructif ») dont le boulot consiste à éviter autant que possible la conflictualité sociale. On trouve aussi des rappeurs positifs, lesquels après s’être patiemment construit une sombre réputation de gangstas et de street credibility s’en vont ensuite prêcher, auprès de la nouvelle génération menaçant désormais leurs intérêts, la détestation de l’émeute et l’amour du business strictement licite. Alors, bien sûr, parmi ce paysage désespérant, la perspective de voir surgir quelque part un héros intégralement négatif se révèle forcément pour nous – pauvres de nous ! – extrêmement alléchante. « Je suis l’esprit qui toujours nie » déclare le Diable, dans Faust. De même que le voyageur perdu au cœur du désert ne rêve pour apaiser sa soif que d’une seule misérable goutte d’eau, nous n’aspirons en notre attente, interminable, qu’à la simple idée du négatif en général. N’importe quoi qui soit susceptible de nous distraire de cette terrible et stérile positivité en laquelle nous avons reconnu l’enfer.

Or, voilà que nous tombe sous les yeux le dernier roman de Massimo Carlotto, justement intitulé À la fin d’un jour ennuyeux et dont le personnage principal – Giorgio Pellegrini – paraît à première vue correspondre à cette paradoxale et négative promesse de bonheur. Paradoxale, c’est bien le mot. Massimo Carlotto semble avoir investi ce Giorgio Pellegrini d’absolument tous les défauts, tous les vices, toutes les crapuleries et infamies que recèlerait l’Univers éthique, le nôtre tout au moins. Les libéraux de tous bords le hisseraient quant à eux volontiers au pinacle tant cet « anti-héros » que l’on « adore détester » (selon le terme significativement employé par un journaliste du Point) conforterait en vérité leur propre lecture du monde. 
Jugez plutôt. 
Dans un précédent opus de Carlotto, Arrivederci Amore (paru en 2003 aux éditions Métailié et, depuis, assez correctement – inoffensivement – adapté au cinéma par Michele Soavi), Giorgio Pellegrini nous était présenté. Simple gauchiste au moment des « années de plomb » en Italie, trempant vaguement dans le terrorisme – histoire, dit-il, de crâner au bistrot  (de se « vanter au bar des actions que d’autres avaient menées ») et de se lever des filles – Pellegrini, après avoir fait sauter le siège d’une officine patronale quelconque, doit fuir le pays en catastrophe pour avoir, via l’attentat susmentionné, causé la mort involontaire d’un malheureux gardien de nuit pas prévu au programme. Dans le maquis guérillero d’Amérique centrale où il s’est réfugié, il commence – très rapidement, avec une énorme facilité – son immonde carrière de salopard en assassinant sur ordre (pour cause d’indiscipline) son camarade de cavale, lequel plaçait en lui, on s’en doute, une confiance absolue. Un acte fondateur ignominieux (l’exécution de ce camarade a lieu en traître, d’une balle dans la nuque, après moult démonstrations abjectes d’amitié destinées à l’endormir) auquel Pellegrini prend un plaisir insoupçonné, une émotion particulière qui définira, à compter de ce moment, l’idéal conscient de ce qu’il recherchera à l’avenir. Prestement devenu un salaud intégral, absolu, il monnaye son retour (et son sort) en Italie auprès des flics, en livrant sans broncher à ceux-ci le nom de tous ses anciens camarades des années noires ayant jusqu’ici échappé à leur traque. Puis, condamné tout de même pour la forme à effectuer quelques années de prison, il devient en détention l’indicateur extrêmement zélé de l’administration pénitentiaire, gèrera à sa sortie un cheptel de putes réduites en esclavage (qu’il apprécie grandement, au passage, de terrifier, tabasser, balafrer et violer) par un patron de bar mafieux. Ce dernier, qui avait commencé par lui tendre la main, Pellegrini finira – bien évidemment – par le trahir. Contraint, enfin, d’organiser – pour le compte d’un flic antiterroriste aussi vérolé que lui – le braquage d’un fourgon blindé, il exécute ensuite cet encombrant protecteur. Et  il s’en sort. Il prospère. Il continue son chemin de bassesse, autrement dit son ascension professionnelle, économique et symbolique. Avec, chevillée au corps, toujours la même capacité de survie, la même complète absence de scrupules, et de moralité la plus élémentaire.

À la fin d’un jour ennuyeux (la suite, donc, de ses aventures) voit notre Pellegrini devenu un honorable patron de restaurant branché, au cœur de cette « Padanie » devenue le fief de la Ligue du Nord. Un Monsieur Pellegrini qui reçoit désormais dans son établissement le meilleur monde possible : l’élite industrielle et politique du Nord-Est, spécialiste irréprochable de l’appel d’offres truqué, du détournement public de masse, du montage financier complexe. Les membres de cette élite, notre homme les reçoit à coups de champagnes et de putes, comme auparavant, quoique cette fois en toute élégance et discrétion. Il est associé à un avocat, être suprêmement important pour lui, ayant obtenu l’absolution juridique définitive de ses petites « erreurs » de gauchisme juvénile. Cet individu délicieux, par ailleurs député pourri du centre-droit traditionnel, menacé à ce titre par la poussée électorale moderniste de la Lega Nord, et qui porte le nom de Brianese, tente de le doubler et de l’estourbir d’une très forte somme d’argent que Pellegrini lui avait confiée, afin de l’investir dans quelque opération immobilière dubaïote, prétendument tranquille. Brianese entre donc, peu après, en conflit ouvert avec son ex-client, Pellegrini ayant pour sa part retrouvé, histoire d’impressionner l’avocat et de rentrer dans ses fonds, ses vieux réflexes ultra-violents, sadiques et tortionnaires. La guerre débouchera sur la tentative ultime de Brianese de livrer, pour se débarrasser du problème, le restaurant de notre sympathique ex-gauchiste à la mafia calabraise, dont il est un proche et que va donc, au final, devoir affronter Giorgio Pellegrini, en compagnie de deux têtes brûlées mondialisées, un Russe et un soldat perdu clandestin tchadien.

Telle est, rapidement esquissée, l’histoire de ce livre dont la lecture – disons-le tout net – fut pour nous extrêmement éprouvante, tout comme l’avait été, d’ailleurs, celle d’Arrivederci Amore. Nous soupçonnons qu’il en ira de même pour tout lecteur de ces deux œuvres à qui restera, coincé quelque part dans l’âme, le plus léger soupçon de gauchisme, ce dernier terme ici entendu par nous dans un sens hautement bienveillant. C’est que le monde décrit par Carlotto est un Pandémonium perpétuel, présentant hélas ! toutes les caractéristiques de la plus extrême vraisemblance (l’auteur a souvent clamé publiquement ses prétentions documentaires, investigatrices). Ce monde est la défaite, semble-t-il définitive, de tout ce à quoi nous pourrions croire, tout ce que nous pourrions espérer de meilleur. Il est l’absence hurlante – insupportable – de justice et de beauté, mais aussi d’espoir et de tendresse, d’amour, d’intelligence (hors bien sûr la pure ruse calculatrice visant immanquablement à flinguer son poteau dans le dos) ou de finesse. Il est le triomphe infini de l’abjection réalisée et du mensonge parfait, un monde à ce point gangrené dans ses fondements et structures, qu’on ne saurait imaginer d’où pourrait bien au juste débouler le flot vengeur capable de noyer – un beau jour – ces écuries d’Augias : l’Italie du Nord-Est, région présentée par Carlotto (lui-même natif de Padoue), dans une interview récente, comme « le plus grand laboratoire criminel d’Europe », ouvert à toutes les expérimentations frauduleuses et/ou parfaitement légales du capitalisme mondialisé.

L’écriture de Carlotto est remarquable. 
Elle se referme sur le lecteur comme un cercle d’acier dont le diamètre irait s’étrécissant, sur sa gorge. De même qu’aucun aspect du réel n’échappe au pouvoir du projet commercial, dont la mafia représente l’imaginative avant-garde, rien ne saurait demeurer hors d’atteinte, hors la lumière sordidement crûe de ce très strict comportementalisme faisant, si l’on ose dire, merveille. Combien ce style nous repose de l’outrance prétentieuse de ces escouades de fines mouches du roman noir contemporain, posant à l’affranchi du haut de leur bureau, aux Machiavel perçant, sans le moindre effort, le noir secret des sociétés. 
Il n’est que de lire, sous la plume de Carlotto, le début d’une description de mafieux calabrais faisant irruption un soir chez Pellegrini, pour comprendre tout ce que ce style a de précieux et de grand. Plutôt que de raconter leur histoire à coups de lourdeurs sociologiques, ou de niaiseries moralisantes, Carlotto se contente de montrer ses personnages mangeant, buvant, marchant, posant leurs regards ici et là. Il décrit leurs coupes de cheveux et leurs vêtements avec la même froide objectivité que le vide abyssal, et terrifiant, de leur regard de brutes meurtrières. Il voit dans tous ces phénomènes un complexe historique à l’œuvre, ramené par lui à l’unité de sa source puis étendu, déployé à nouveau, en un va et vient dialectique ne laissant rien échapper à son empire mobile. La compréhension politique, la certitude sensible de la crapule que l’écrivain exhibe procèdent ainsi d’une même technique, humble et irrésistible. Telle est la portée encyclopédique – au sens hégelien – du roman noir à son meilleur. Pour des auteurs comme Carlotto, la vérité d’une société ne saurait être que sa vérité totale, totalisante. Son essence, par nature, passera en phénomènes des plus imperceptibles cependant, inversement, que chaque détail fera sens. L’histoire des idées accuse, nous dit-on, cette géographie traditionnelle : les anglo-saxons ne verraient souvent dans la vie qu’une collection de faits hétérogènes et impénétrables, les Allemands, à l’inverse, se trouvant obnubilés ou ralentis par le poids des pures idées. Ici, il y a cet Italien dont le regard bleu acier perce concrètement, avec simplicité, le lourd blindage du réel :

« Je les observai tandis qu’ils s’approchaient du comptoir. Le premier devait être le chef, du moins c’est ce que suggérait son complet Armani. Dans les cinquante-cinq ans, un mètre soixante-cinq, corpulence faible, cheveux poivre et sel coiffés en arrière, visage carré, nez fin, yeux noirs légèrement rapprochés. Le deuxième était grand et mince comme un jonc. Le costume était coupé sur mesure mais le tissu de qualité médiocre. Visage des années 80, cheveux un peu longs tombant sur le cou, une dizaine d’années de moins que le premier, il semblait à peine sorti d’un concert des Spandau Ballet. Le dernier qui fermait la marche regardait autour de lui et ne laissait échapper aucun détail, comme si tout était à lui. C’était le plus jeune, le plus arrogant et, selon toute probabilité, le plus bête. Il ressemblait vaguement au premier et portait une coûteuse tenue décontractée qui mettait en valeur sa fréquentation du gymnase. » (p. 95).

On continue à prétendre, parmi les critiques, que ce Giorgio Pellegrini aurait quelque chose  à voir avec Carlotto lui-même, que ce personnage relèverait de « l’autobiographie ». L’auteur a beau avoir fait justice, plusieurs fois et en termes nets de cette illusion, rien n’y fait. Sa haine pour Pellegrini est tout à fait personnelle, et charnelle, voilà probablement ce qui porte la critique à l’erreur. Carlotto connaît parfaitement le corps (et l’idée du corps) de celui qui fut avant tout pour lui un bourreau : l’incarnation moyenne, quoique baroque, du type de la balance stipendiée, responsable de son propre calvaire en taule, où Carlotto (lui-même ancien gauchiste, grotesquement accusé d’un meurtre en 1976 et contraint, pour échapper à la perpétuité, à la cavale internationale) finira par échouer, pour de longues années, quand la police mexicaine l’aura livré, depuis son exil, aux Italiens à la fin des années 1980. 
Carlotto y aura sans doute ruminé, dans un ressentiment justifié, son portrait craché le plus véridique, le plus détaillé possible de Pellegrini – cette ordure – avant que l’injustice évidente de son sort le fasse libérer enfin, sous la pression militante, devenue populaire. La haine de Carlotto pour cet homme – Pellegrini – coïncide avec celle, plus abstraite, qu’il témoigne au pouvoir, à la domination, à la cruauté que Pellegrini manifeste, mais le poussait nécessairement à la plus grande précision possible. Quoi de plus éternellement et méticuleusement corporel, en effet, que la prison et les peines qu’elle inflige ? Tout ceci n’a rien à voir avec un quelconque souci autobiographique. Pellegrini incarne la prison en tant que déchet irrationnel, forme ultime du hiatus démocratique, repaire savamment et consciemment concédé à la barbarie (au vide moral) par la civilisation des droits de l’homme. Cette barbarie n’est autre que celle du pouvoir absolu du corps, sur le corps. L’ultra-virilisme que la prison engendre est à la mesure de sa faiblesse objective comme institution, autant que celui de Pellegrini révèle sa fragilité psychique. L’État est tout aussi faible en termes de légitimité que Pellegrini peut l’être en face de ceux (et celles) qu’il martyrise, dès lors que ses victimes, l’ayant percé à jour, ne cessent de le dénoncer, de l’accuser, de lui cracher au visage, bien en face, ce qui fonde sa vérité fondamentale. Et cela, que ce soit dans Arrivederci Amore ou À la fin d’un jour ennuyeux, Pellegrini ne le supporte jamais. C’est ce qui fait l’intérêt à nos yeux spécifiquement psychanalytique – tout à fait extraordinaire – de ces deux ouvrages.

Pellegrini, en effet, y est très clairement présenté comme un sadique. Encore convient-il de s’entendre sur ce terme. Freud distingue deux genres de « sadisme », sur la base du rapport différent du sadique au plaisir éventuel pris par ses « victimes » au sein de leur rapport. Le sadisme peut se voir sexué. Il peut s’y installer une sorte d’entente plus ou moins poussée, un « jeu » pour ainsi dire, où les attentes masochistes et sadiques se complèteraient, correspondraient plus ou moins l’une à l’autre. L’attention, l’intérêt, le plaisir relatifs pris à la souffrance manifestée par le partenaire en constituerait alors la marque. Mais il est un autre sadisme, que Freud nomme simplement Bemächtingungstrieb (« pulsion d’emprise ») relevant lui, antérieurement au rapport sexuel construit, de la violence instinctuelle la plus élémentaire, celle développée par tout homme (ou tout animal) simplement menacé de tomber au pouvoir absolu d’un autre, potentiellement plus fort que lui et aspirant symétriquement à le détruire. 
Le « cas Giorgio Pellegrini » procède des deux tendances.
Massimo Carlotto en livre ainsi une espèce de phénoménologie incroyable (et éprouvante) puisque du premier livre au second, de manière transparente, Pellegrini progresse de l’un à l’autre sadisme à mesure qu’il progresse socialement, et que change le contexte symbolique qu’il doit affronter. 
Il n’est d’abord, de manière générale, excité que par des femmes se trouvant réduites en face de lui à la plus grande faiblesse, physique et morale. Dans Arrivederci amore, il est explicitement gérontophile : d’abord, croit-on, par pur opportunisme (il quitte en effet sa guérilla d’Amérique centrale puis survit en séduisant successivement des femmes plus âgées que lui, qu’il dépouille d’ailleurs sans scrupules en les abandonnant) mais en réalité (on s’en aperçoit rapidement) davantage par absolue nécessité libidinale. Parfaitement conscient de sa propre ignominie, et du fait qu’il a renoncé en lui-même à toute intégrité, toute moralité, toute estime de soi, son narcissisme contrarié – littéralement terrifié en face de toute figure féminine autonome et libre (belle, rebelle, jeune, exigeante) – le pousse en quelque sorte chaque fois à frapper le premier pour s’asservir un certain type de sujets féminins, de crainte et avant que ceux-ci ne le réduisent lui-même en esclavage. C’est pourquoi son choix sexuel se porte prioritairement sur des femmes mûres, de son point de vue déjà fragilisées dans leur capacité de séduction, avant de l’être socialement. Il ne jouit jamais sexuellement aussi intensément que de femmes se trouvant complètement à sa merci : l’épouse d’un flambeur de boîte de nuit, par exemple, contrainte, pour rembourser les dettes de son mari, de coucher avec lui, ou la veuve d’un parrain mafieux qu’il finira par tuer, après des tortures épouvantables, dans Arrivederci amore. Inversement, toute femme disposant au sens strict d’un peu de répondant (le personnage de la jeune anarchiste espagnole) lui fait perdre ses moyens. Dans À la fin d’un jour ennuyeux, le dispositif est le même. Il jouit, par exemple, de voir s’épuiser sa femme sur un vélo d’appartement, ou de tabasser puis défigurer sauvagement une femme de ménage. La seule différence est que désormais, il s’entend également sur un rapport sadique annexe, sexué celui-là, et plus sophistiqué, avec une nouvelle venue – Gemma – dont il jouit quoique elle soit consentante, elle, et prenne également du plaisir, un plaisir féminin auquel Pellegrini était auparavant suprêmement indifférent, aux termes de cette « pulsion d’emprise » freudienne évoquée plus haut. Notons enfin le rôle particulier assigné dans la sexualité de Pellegrini à la fellation, technique de stricte autodéfense visant littéralement pour lui à la maîtrise de la seule bouche de la femme forte : la seule capacité orale – de langage – des diverses femmes phalliques susceptibles de lui nuire. Il contraint ainsi à cette pratique (dans Arrivederci amore) une pute ayant compris qu’il venait de gruger son patron (et menaçant Pellegrini de tout révéler à ce dernier). Dans À la fin d’un jour ennuyeux, il n’entretient également avec Nicoletta – femme courageuse, déterminée, pour lui inquiétante au plus haut point – que cet unique mode de rapport sexuel (la fellation) clouant ainsi littéralement le bec, de cette façon, à toute menace potentielle :

« Le pompier mensuel de Nicoletta était juste une affirmation des rôles entre associés, je ne me serais jamais embarqué dans une histoire avec elle. Entre autres, parce que ce n’était pas mon type, elle, les hommes, elle les avalait tout cru et en recrachait les os. » (p. 53).

Les femmes sont donc dangereuses parce qu’elles sont – contrairement à Pellegrini – constantes et capables d’amour, et surtout parce que l’ayant souvent parfaitement démasqué, elles risquent de provoquer chez lui l’écroulement irrémédiable de tout un psychisme décadent, vermoulu et fragilisé. C’est en ce sens qu’il faut comprendre sa réaction de grande fureur – viriliste – à la remarque que lui fait Ylenia, l’amante de l’avocat Brianese (désormais son adversaire) assumant parfaitement la différence d’âge le séparant de ce dernier, alors que la gérontophilie de Pellegrini demeure quant à elle honteuse, largement inconsciente d’elle-même (c’est-à-dire de l’impuissance fondamentale de son sujet) :

« Dans quelques années, tu ne seras plus sa maîtresse, mais son infirmière, murmurai-je, certain de la coucher au tapis.
- La maturité de ma gérontophilie.
- Qu’est-ce que tu racontes, bordel ?
- Rien d’important (…)
- Ne te monte pas la tête. Tu n’es qu’une pourriture, comme ton chef.
J’étais furieux contre moi-même. Je m’étais comporté comme un minable, mais Ylenia avait dépassé la limite en contrevenant à une règle d’or : si quelqu’un te tient par les couilles, tu dois filer doux. Toujours. Elle le paierait cher. » (p. 139).

Dans un entretien accordé récemment à Bernard Strainchamps, Massimo Carlotto faisait la déclaration suivante : « Nombreux sont ceux qui au final détestent Pellegrini mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est un des personnages préférés des lectrices ».
Nous croyons avoir montré pourquoi.
Dans cette description angoissante des rapports subjectifs – notamment sexuels – au temps du capitalisme post-gauchiste mondialisé, les femmes ont clairement reconnu en Carlotto (et – négativement – en Pellegrini) un révélateur de leurs pouvoir et capacité de subversion authentiques.

Il n’y a donc, à strictement parler, dans À la fin d’un jour ennuyeux, comme le confirme encore Carlotto à Bernard Strainchamps dans le dernier entretien cité, « rien qui ressemble à l’auteur. J’ai bien connu des personnages réels qui sont la copie conforme de Giorgio Pellegrini, je les considère comme des ennemis, j’écris sur eux pour qu’on puisse les reconnaître ». Mais si « autobiographie » il devait absolument y avoir (histoire de contenter les critiques), alors ce texte ne serait rien moins que celle de l’Italie contemporaine, toute entière, dont le gauchisme constitua avant tout, du point de vue de l’auteur, une formidable crise de croissance. La simple étude du patronyme de notre protagoniste suffit à s’en convaincre. À qui Carlotto a-t-il bien pu penser d’autre, en le composant, qu’à ce Pellegrini, d’abord : chef-espion emblématique de la sécurité chez Pirelli dont l’incendie du véhicule (le 27 novembre 1970) constitua l’acte de naissance officiel des Brigades Rouges ? 
Au Giorgio – ensuite – du célèbre texte Profession terroriste, publié en 1982 et décrivant de l’intérieur le terne quotidien d’un partisan clandestin de la lutte armée, dont la foi en la révolution s’était littéralement effondrée – à supposer qu’elle l’ait tenue un jour – derrière les impératifs strictement militaires, pragmatiques, de sécurité et de survie ?
Giorgio enfin, n’est-il pas le saint patron de Venise ? Le mot de « Pellegrini » ne renvoie-t-il pas aussi bien aux « pèlerins » qu’aux « errants », soit tous ceux à la fois ballottés par l’Histoire (ici d’une cavale ou d’un statut social à l’autre) quoique s’étant originellement crus les maîtres de celle-ci, et de leur propre destin, ayant naguère pris part à la dissémination nomade de quelque bonne parole ? 
De sorte que l’essence de la « Padanie » d’aujourd’hui résiderait bien dans ce nom, et cette alliance terrible du gauchiste désespéré, du garde-chiourme patronal et de l’intrigue vénitienne marchande, revivifiée au souffle du mondialisme, de l’effondrement progressif des frontières et des vieilles traditions locales industrielles.

Telle est la leçon peut-être la plus amère d’À la fin d’un jour ennuyeux. Car si le propos de Carlotto n’est jamais – et insistons-y bien – de condamner l’engagement gauchiste des années 1970 (les rares personnages sympathiques recensables dans les deux ouvrages dont nous parlons sont justement des gauchistes non repentis, affrontant Pellegrini du haut de leur désespoir et/ou de leur mépris constants et invincibles), il n’en a pas moins compris que via une de ces ruses de la raison dont l’Histoire a le secret, la modernisation du Capital, son renforcement contemporain, aura profité à plein de l’expérience gauchiste, et en particulier (terme fondamental dans À la fin d’un jour ennuyeux) de la créativité dont le gauchisme aura parfois fait preuve. 
C’est précisément ici que se brise l’attente du négatif par laquelle nous ouvrions cette chronique. Elle se brise sur ce personnage, ce personnage tellement important. Pellegrini n’est pas immédiatement positif. Il le sera en dernière analyse. Le négatif de l’Histoire italienne, il l’aura d’une certaine manière maintenu en lui. Il aura survécu à sa chute, à sa défaite, conservant du gauchisme terroriste cette créativité qui le verra triompher à la fin du roman, dans la positivité désormais réconciliée du Capital. Un Capital, de fait, plus puissant que jamais, capable – tout officiels, légaux et tranquilles que soient à présent ses divers buts et entreprises – de vaincre par la force, l’audace et la violence modernistes (dont Giorgio Pellegrini est le symbole) ses incarnations antérieures. Au nombre de celles-ci, Carlotto compte d’ailleurs aussi bien la vieille démocratie-chrétienne corrompue et poussive (le personnage de Brianese), que la mafia traditionnelle, également incapable de venir à bout de cette capacité créatrice du Capital spécifiquement issu du gauchisme. C’est ainsi qu’au moment d’affronter à lui seul (ou presque) la mafia calabraise, Pellegrini, reconnaissant l’énormité de ce projet, et le peu de chance objective qu’il a de s’en sortir vivant, décide de jouer à fond cette carte du culot, de l’inventivité et de la folie propres aux temps de sa jeunesse. Il écoute alors avec frénésie (cherchant, semble-t-il, l’inspiration) des vieux disques de Grace Slick et se livre, relativement à cette époque, à une forme curieuse (et sommaire) de bilan politique. 
C’est là, pense-t-il, là seulement qu’il conservera un coup d’avance – asymétrique – sur ses ennemis. Ce n’est qu’armé de cette expérience dont il croit sentir, en dépit de toutes ses trahisons et reniements successifs, qu’elle est encore présente, et agissante en lui, qu’il a une chance de l’emporter :

« Avec les Calabrais, ce n’était pas encore fini, mais je n’étais pas inquiet. J’avais confiance dans les ressources du crime créatif. » (p. 165), « Ces mafieux de merde m’avaient sous-évalué et ils s’étaient gourés sur toute la ligne en adoptant une procédure standard. » (p. 161), « Le crime créatif me donnait une folle envie de vivre et de jouir » (p. 155), « Je n’avais pas de nostalgie pour ces années-là mais, par rapport au présent, elles avaient ça de bien que les jeunes s’étaient marrés en se foutant du monde entier. La créativité était impressionnante dans tous les secteurs, de la musique au cinéma, de l’art au crime. D’extraordinaires bandes de braqueurs avaient nettoyé les banques, les oreilles abreuvées de bon rock, le joint à la bouche. Quelques types de mon milieu avaient commencé à théoriser le crime créatif en réaction à celui, répétitif, ennuyeux, impitoyable, du capital (…) Avec la fin du rêve, quand une masse de paumés s’étaient retrouvés en taule avec perpète sur le dos, les mafias et la globalisation étaient arrivées et avaient effacé toute libre concurrence. Même dans l’illégalité, tout était devenu gris et plat. Les types du genre Palamara étaient les mêmes qu’il y a trente ans. Des dinosaures élevés dans une culture qui ne laissait pas de place à l’imagination. Nous, en revanche, on était de ceux qui voulaient « l’imagination au pouvoir ». Je crois que c’est Marcuse qui a balancé cette connerie. Je me levai pour retourner le disque. » (p. 127).

Qu’on se rappelle comment, à la fin de Arrivederci Amore, Pellegrini s’était emparé de la Nena, petit restaurant de quartier encore fréquenté par le peuple et la bohème, chevelue et crasseuse, celle-là même à laquelle, par un goût identique pour la modernité, Pellegrini avait appartenu quelque trente ans auparavant. Qu’on se rappelle comment il avait ensuite métamorphosé cet endroit (et la manière de Carlotto, alors, est tout bonnement extraordinaire, témoigne de ce sens de l’observation encyclopédique, marxiste au meilleur sens du terme) en établissement branché, comment peu à peu charcuteries trop grasses et soupes traditionnelle s’étaient vues par lui effacées de la carte au profit de salades étiques, de plats coûteux et superficiels, sur fond d’espace furieusement design, avec videur à l’entrée : un espace dont les anciens habitués – éternels perdants de l’Histoire – se retrouvaient enfin, bientôt, proprement expulsés. Loin, le plus loin possible, de cette ambiance de dictature cool impitoyablement imposée, ville après ville, à la surface de cette planète, par la néo-bourgeoisie cozy, dont des avatars autrement plus sympathiques, peut-être, que ce monstre odieux de Giorgio Pellegrini (déjà présenté comme « un fils de pute mais moderne et sympa » par Michele Soavi, le réalisateur de Arrivederci Amore) s’efforceront partout, le cas échéant, d’assurer le triomphe intégral.
Car les choses ne s’arrêtent pas là.
Il y a fort à parier en effet que Massimo Carlotto nous livre très prochainement la suite des aventures de Pellegrini, que ladite suite nous offre derechef le terrible spectacle d’une domination encore renforcée, à force d’innovation, par des figures (telles que lui ou d’autres) désormais tentées par la carrière politique (que celle-ci conserve ou non sa vieille forme « partidaire »).
Ce sera complet, alors.
La boucle sera bouclée :

« La politique aussi est un crime créatif. C’en est même la quintessence. Moi, j’en étais exclu mais j’avais décidé de ne pas abandonner le terrain. J’étais né pour baiser mon prochain et ça me plaisait salement. Ça me donnait le sentiment d’être vivant (…) Maintenant, je devais regarder autour de moi et construire de nouveaux liens, de nouvelles alliances et complicités. Et éduquer un politique. Lui faire utiliser la Nena comme tremplin de lancement et le suivre dans tout le parcours : commune, province, région. » (À la fin d’un jour ennuyeux, p. 187).

Le seul espoir qui nous reste (Masimo Carlotto se définit sans hésitation, à longueur d’interviews, comme un indécrottable « optimiste », tenant seulement à la lucidité implacable du diagnostic) tient évidemment à la permanence – jamais aperçue par la Bourgeoisie, laquelle décrète toujours facilement la fin de l’Histoire (aussitôt qu’elle le peut, que lui suggère sa débile compétence philosophique, qu’elle se grise de quelque moment privilégié de pouvoir) – de ce même procès dialectique sécrétant éternellement, de toute nécessité, cette négativité authentique que nous espérons. La forme de celle-ci a d’ailleurs bel et bien commencé de saillir un peu partout ces derniers temps, en Italie, en Grèce, ailleurs. Du Val de Suse à Notre-Dame-des-Landes, pour ne citer que ces deux pôles d’insurrection hautement créatrice.






Gravitas gravitatum

 

« La gravité, répétait-il sans fard, n’était souvent qu’une friponnerie achevée, et de la plus dangereuse espèce, dangereuse parce que rusée. En douze mois, à l’en croire, la gravité, avec sa poudre aux yeux, subtilisait leurs biens et le contenu de leurs bourses à plus d’honnêtes gens qu’en sept les pickpockets et les cambrioleurs. »

Sterne, Vie et opinions de Tristram Shandy.

vendredi 12 avril 2013

Sirènes

« Pour toi, écoute-les, si tu veux ; mais que tes compagnons te lient, à l'aide de cordes, dans la nef rapide, debout contre le mât.»
(L'Odyssée)


           

mercredi 10 avril 2013

A serious man


Pour rigoler et vous détendre un peu, en ces temps de crise morale, économique et symbolique, sachez que rien ne vous empêche de cliquer - légèrement - sur l'agrégé de philosophie ci-dessus.

mardi 9 avril 2013

Un dernier pour la route

 


« Le travail est la malédiction des classes buveuses ». (Oscar Wilde)
 

Groovy !




« Je suis forcé d'admettre que tout continue ».
(G.W. F Hegel)

En France comme partout, à bas l'Alsace !